Suzanne Giraud

Contact Suzanne Giraud compositrice contemporaine française

Compositrice Composer Komponistin

Zéphyr

1999, Zéphyr, musique de chambre, solo

Durée : 15′

Effectif : 1 piano

Dédicataire/Commanditaire : Georges Kan

Création : 20 novembre 2000, Festival Aujourd’hui Musiques de Perpignan, D. TAOUSS

Édition Musical Artchipel

Notice de Zéphyr

Mis à part le titre énigmatique de cette œuvre, aucune indication concernant cette composition et les intentions de l’auteur. J’ai ainsi laissé mon cœur suivre sa propre pente, mon imagination vaquer avec d’autant plus de détachement.

La première partie rappelle par anticipation l’atmosphère « horlesque » du début de To one in Paradise : mêmes instruments, même écriture moins nerveuse certes, mais tout aussi tourmentée et tourbillonnante à la façon des ciels nocturnes de Van Gogh. La spirale est une figure récurrente chez Suzanne : galaxies, mouvements en hélice, vitalité primitive. Nous retrouvons aussi ces traits percussifs qui idée fixe viennent ponctuellement réactiver une obsession latente. Comme toujours, chez Suzanne, la musique est d’une fluidité magique ; tout s’enchaine avec un naturel confondant. Insensiblement, la musique s’est faite aérienne. Le large nous appelle. Notre esprit s’est fait nuage. Il glisse sur les autres, épouse les turbulences, s’élève puis plonge, plane, court les espaces.

Dans la seconde partie (les 2/3 de l’œuvre) les tonalités s’apaisent. L’atmosphère initiale est passée au travers d’un filtre opacifiant et il nous en reste des reflets aux contrastes moins crus. Les coups obsédants sont devenus de puissants battements d’ailes. C’est l’appel du grand bleu, le bleu du ciel. L’orchestre nous porte en rêve avec la dynamique d’une locomotive céleste. Bellérophon est parvenu à dompter chez Pégase les forces qui le dépassaient et le chevauche, ivre de cimes, de vent, d’espace…

Il y avait longtemps que je n’avais pas ressenti au plus profond de moi-même la communicative force vitale en expansion d’un tutti orchestral. Ca doit remonter au jour où j’ai entendu au concert, pour la première fois, Métaboles de Dutilleux. L’énergie cosmique du début a pris un sens au lieu de nous troubler ou nous angoisser. Elle nous revitalise. Il y a eu La Nuit Transfigurée, voici maintenant « Le Ciel Transfigurée ».

Vincent Urbain

Presse

Zéphyr, Resmusica

Dijon. Festival « Why Note », Auditorium. 5 décembre 2001. Récital Thierry Rosbach.

Œuvres pour piano d’Arnold Schönberg, Pierre Boulez, Alexandre Scriabine, Suzanne Giraud, Giacinto Scelsi, Claude Debussy et Olivier Messiaen.

[…] Du magnifique Poème « Vers la flamme » op. 72 (1914) d’Alexandre Scriabine (1872-1915), Rosbach a donné la densité, tout en réussissant l’équilibre parfait entre architecture et formulation évolutive des idées. Il a tiré de son clavier les sonorités mystérieuses de cette longue plainte tendrement susurrée, qui s’avèrera en fait un somptueux prélude au Zéphyr (2000 ???) de Suzanne Giraud (*1958), elle aussi magicienne architecte et appuyant sa création sur l’évolution interne des idées. Thierry Rosbach, a joué Zéphyr comme nul autre jusqu’à présent. Il est le premier à interpréter par cœur cette grande pièce en un mouvement unique d’une densité inouïe. Ce qui lui permet de saisir l’œuvre jusqu’en son plus secret, révélant une pensée sous-jacente que pas même le compositeur n’avait pu encore formuler avec des mots.

Rosbach a offert à un public médusé et dans un silence monacal, une interprétation d’une sensibilité, d’une intelligence saisissante. Avec un sens de la nuance remarquable, ménageant des contrastes singuliers entre chaque épisode de la partition, mais sans aucune rupture, parvenant au contraire à lui instiller la prodigieuse unité voulue par son auteur, mais jamais atteinte encore, car « vécue » dans une continuité et une fluidité du discours étonnante de naturel, sollicitant un piano à la fois scintillant et profond, laissant les résonances se déployer en une rayonnante sensualité.

Le jeu de Rosbach est précis, souple, aérien, mais aussi solide, ferme, les doigts volent comme le vent sur le clavier, galvanisant des timbres aux harmoniques extraordinairement riches, brillants comme l’azur à la main droite, des sonorités pleines, charnues et rondes à la main gauche. Une interprétation aux contrastes éblouissants, poétique, chantante, sensuelle, ardente. Un très grand moment de piano tirant la quintessence d’un pur chef-d’œuvre. Rosbach aura pris son temps, jouissant des timbres et des sonorités magnifiées par l’inspiration luxuriante et l’écriture extraordinairement maîtrisée de Suzanne Giraud. […]

Bruno Serrou

Zéphyr, Les Dernières Nouvelles d’Alsace

Durant trois semaines, dans les locaux du lycée agricole, les 290 stagiaires de l’académie Musicalta travaillent en ateliers instrumentaux avec quelques-uns des meilleurs enseignants que le monde musical puisse trouver. Flûte, violon, piano, violoncelle, clarinette, alto, hautbois, chant choral… meublent inlassablement l’espace sonore. Lorsqu’ils ne sont pas en charge d’une classe, les professeurs répètent, en petite formation, les œuvres qu’ils donnent lors d’un des douze concerts programmés, à Rouffach et dans les communes voisines, dans le cadre du festival Musicalta. Berten D’Hollander, flûtiste, a ainsi créé, lors du concert de jeudi à Pfaffenheim, Afin que sans cesse je songe de la compositrice Suzanne Giraud.

Pfaffenheim, un piano au cœur des éléments

Intrépide soirée vendredi en l’église Saint-Martin de Pfaffenheim, où le pianiste Thierry Rosbach conviait à une exploration des autres éléments aussi passionnante que risquée.

Au fil d’un programme subtilement construit, voici tout d’abord l’eau avec Debussy (Les pas sur la neige) et Liszt (Saint François de Paule marchant sur les flots) : l’un ouaté, l’autre tumultueux, deux cheminements balisés avec maîtrise par l’ancien élève de Pierre Sancan, Christian Ivaldi et Jean-Claude Pennetier. Avec Alexandre Scriabine, voici le feu, illustré par sa dernière œuvre importante : le poème musical Vers la flamme, manifeste symbolise portant la musique aux ultimes limites de la densité sonore et des possibilités expressives, afin de susciter une extase spirituelle. Dominée avec brio, la page peut-être la plus connue d’un auteur qui, en Alsace du moins, n’encombre guère les affiches… Tout aussi rare ailleurs qu’à Musicalta, le mystérieux Giacinto Scelsi (1905-1988) honorait la terre avec Bot-Ba, sa 8e Suite évoquant le Tibet, ses montagnes et ses monastères. Explorant la profondeur du son bien plus que sa durée ou sa hauteur, une pièce dont la grandeur statique et sombre a bénéficié d’une approche à la fois séduisante et de grande efficience pédagogique.

Une future « grande »

Au royaume de l’air enfin, étaient convoqués Liszt, avec l’impressionnisme mystique de Saint François d’Assise prêchant aux oiseaux, et Debussy narrant dans un ouragan chromatique frisant la violence, Ce qu’a vu le vent d’ouest. Ainsi que Suzanne Giraud, auteur de Zéphyr, une pièce qui certes doit beaucoup à Scelsi et Scriabine, mais qui n’en révélait pas mois une inspiration originale et une belle sûreté d’écriture. Élève de Claude Ballif – dont la présence au programme d’un futur Musicalta serait tout à l’honneur de Florence Lab et Francis Duroy – l’ancienne pensionnaire de la Villa Médicis possède à l’évidence tous les atouts d’une future « grande » : une personnalité attachante, un bel enthousiasme, une inspiration élevée, un métier déjà affirmé, une écriture pertinente, à la fois complexe et inventive. Crânement défendus par Thierry Rosbach, Zéphyr et son auteur ont été longuement applaudis, avant qu’un nocturne de Chopin et La colombe de Messiaen ne concluent dans l’apaisement un récital où, sous les doigts d’un pianiste alliant constamment l’audace à l’aisance, les éléments se seront maintes fois déchaînés.

Denis Lustenberger

Ecoutez l’oeuvre ici

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